La catharsis : quand la crise émotionnelle devient la solution au problème

La catharsis consiste à purger le mal par le mal et d’y ressentir un réel plaisir. Elle représente une forme de purification, un principe pour aller mieux...

Encore faut-il pouvoir l’extérioriser. La catharsis consiste à purger le mal par le mal et d’y ressentir un réel plaisir. Elle représente une forme de purification, un principe pour aller mieux, une thérapie.  Cette notion ne date pas d’hier. Par exemple, Aristote dans ses Poétiques explore le mécanisme cathartique, celui qui transforme les émotions désagréables en plaisir. Ainsi, le public quitte ses tragédies théâtrales, apaisé et plus léger. Renaitre de ses traumas représente tout un programme, et pourtant cela fonctionne. Mais à quel point et comment ? Ce n’est pas d’un long fleuve tranquille, certes, mais quelle richesse au final.

Si nous devons tourner sept fois la langue dans sa bouche avant de l’ouvrir, il faut aussi, peut-être, revivre sept fois une expérience éprouvante pour parvenir à s’en défaire. Ainsi, il ne s’agit pas de l’oublier, on n’oublie jamais. Tous les traumatismes s’ancrent dans notre chair, et se rappellent à nous à la moindre occasion. Les répéter nous permet de relativiser, de changer l’angle de vue, sans pour autant les banaliser.

Un décor propice aux crises

Dans notre société absolument charmante, nous nous retrouvons régulièrement désorientés, voire démunis. Ainsi, nous subissons des épreuves auxquelles nous ne sommes pas préparés et c’est la crise. On nous avait pourtant vendu un monde idéal, celui des bisounours, où nous sommes tous beaux et gentils, où le jeu et le plaisir prévalent, où il importe de réaliser les choses que nous aimons. C’est l’incompréhension dès que nous confrontons l’autre toxique. Comment a-t-il pu se montrer aussi malveillant à notre encontre ? 

Dans la cour de récré, c’est la norme, la compétition, le test permanent des limites. Mais les enfants apprennent ainsi à bien se comporter, c’est la promesse d’un avenir meilleur, celui de l’univers des adultes. Il suffit d’y mettre un pied pour se rendre compte du grossier mensonge, mais, comme vous, j’y crois. Dès lors et par conséquent, tout ce qui s’oppose à moi devient une terrible injustice. Le doute s’installe et les remises en question s’enchainent.

Je me dévalorise. Je me trouve nulle, c’est une certitude, puisque les paroles de l’autre sont vraies. Et pourtant il a tort, j’en suis convaincue. Je me perds dans ces contradictions. L’image que je m’étais construite se fissure. Je ne fais plus l’unanimité induite par mes parents. C’est la chute libre.

Un enfant se balance sur une balançoire

Trouver une parade n’est pas une sinécure

Un couloir d'hopital malaisant

C’est vrai, les autres, certains au moins, se montrent malveillants, toxiques. Et même si on nous rebat les oreilles à force de protège-toi ; ne l’écoute pas, ce qu’il dit n’engage que lui ; prends de la distance… certaines blessures se révèlent vilaines et nous peinons à nous en détacher. Nous devons composer avec notre souffrance pour continuer à avancer. Lorsque l’autre malveillant est celui avec lequel j’ai parcouru un bout de chemin, en qui j’ai mis toute ma confiance, auquel je me suis attachée corps et âme ; l’épreuve devient une trahison intolérable. Comment a-t-il pu ?

C’est ici que je dois mettre en place une parade. Après les psys et les sophrologues, une kyrielle de coachs est apparue. Je n’ai que l’embarras du choix. Il suffit de trouver chaussure à mon pied. Sans l’atome crochu indispensable, ce sera peine perdue et une couche supplémentaire à ma douleur. Je n’ai jamais trouvé cette perle rare. Nous devons chacun découvrir notre truc à nous, celui qui fait que ça marche. L’écriture s’est révélée un excellent remède pour moi, indéniablement.

Poser des mots sur les maux

Très jeune, en quête de réponses, la rédaction devient rapidement une échappatoire fantastique. J’avais 4 ans et j’ai demandé à ma sœur de m’apprendre à écrire. Lire m’importait peu et je le revendiquais. À cet âge, je ne m’étais pas rendu compte de l’aberration. Je voulais graver pour l’éternité toutes ces idées qui me peinaient. Les noter les rendait plus vraies, palpables et modifiables à ma guise, une aubaine pour tout refaire en mieux. 

Poser des mots sur mes maux permet de les organiser, de les analyser, de prendre du recul, de les voir différemment, mais surtout de les chasser hors de moi. Avec de la bouteille, je parviens même à nuancer mes mauvaises expériences, à les mettre à rude épreuve, à leur donner une amplitude plus adéquate ou un tout autre relief. Après tout, j’ai bien trinqué, autant me lâcher. Écrire un roman autorise aussi à tuer des gens, à les torturer ou au contraire, à les rendre meilleurs, à les sublimer et parfois ça fait du bien. C’est la fiction, voire mieux, l’autofiction. Dans cette optique, je me suis attelée à l’écriture de mon premier roman : Les Enfants Inutiles.

Une plume écrit quelque chose

Une autre histoire

J’ai vécu une histoire terrible, une histoire qui m’a détruite, les émotions en tête. Je m’étais attachée à notre collaboration, je la jugeais riche et gratifiante. Et puis cet autre s’est révélé malveillant. Il s’est rétracté avec brutalité, sans explication, s’est mué en un mur de silence, puis en bourreau. Certainement, il avait ses raisons, et je devais les comprendre si je voulais aller mieux. Il refusait mes questions, ne se disposait pas à répondre. Il m’ignorait. Ignoble, l’ignorance est ignoble. 

Seule avec ce qui me restait de la belle époque, j’ai rédigé des milliers de mots pour permettre à l’histoire de continuer. Un texte, puis deux, puis trois. Elle devait se poursuivre, elle ne pouvait jamais s’arrêter. Son attitude représentait une faute grotesque. D’illusions peut-être, le récit s’est redéfini autrement, composé d’actes tels qu’ils auraient dû se dérouler dans ma réalité. J’ai finalement pu poser toutes les questions qui demeuraient en suspens et à la force des poignets, doigts pianotant sur le clavier, j’ai obtenu des réponses, toutes les réponses. L’écriture s’apparente à une baguette magique qui repousse les limites. 

C’est pareil à une enquête. On commence par la reconstitution des faits, on dresse le tableau, puis on envisage les hypothèses, toutes les hypothèses. On met en scène tous les protagonistes. Leur profil se précise au rythme des suppositions. À force de retourner la situation dans tous les possibles, la rédiger et la réécrire un nombre invraisemblable de fois, la réalité se révèle enfin pure et limpide. 

Une femme est vue de dos, elle se tient la tête

Attention au piège qui guette

L’écriture thérapeutique, comme j’aime à l’appeler, est une façon de faire durer les plaisirs dont on nous a brutalement et injustement privés. Faire durer le plaisir, c’est merveilleux, mais attention au piège. Le rêve devient une addiction et se révèle une torture au réveil. La réalité nous rattrape et nous jette dans le désert où elle nous avait laissés. Prolonger l’illusion, lorsqu’on se prête au jeu avec conviction, représente une arme sadique dont on doit se méfier. Nous devons éviter la rechute et l’utiliser uniquement comme un outil purgatoire. 

Je me dis parfois qu’être malheureux jusqu’au bout est important, tout comme se nourrir de pensées tristes et pleurer toutes les larmes de son corps. Dans ces moments, je me laisse aller dans les souvenirs difficiles et je m’y attarde en souffrance, parce que je sais que demain sera un jour d’autant meilleur. Tomber tout au fond, c’est forcément remonter ensuite et s’en trouver allégé. Se donner l’impression d’être au plus mal, c’est se sentir bien en vrai. C’est exactement le stratagème de la catharsis.

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Malédicte

Quand on croit en l’amour, plus fort que tout, comme le seul principe vrai, authentique pour réunir les hommes ; quand on est architecte, qu’on dompte avec les arts le gout du beau et les techniques, le sens de la précision et de la perfection ; quand la société vous bascule du bien au mal, du bonheur aux coups bas et ne vous fait aucune fleur ; quand on vit d’écriture comme un seul moyen de poser ses émotions et de laisser vibrer leur sensibilité, leur fragilité ; on déboule un jour ou l’autre, le cœur chargé de mots, de phrases, d’histoires à partager dans une maison d’édition.
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