Ce qui est moral est immoral

L’amour parfait, dessiné par l’homme pour l’homme, nous le convoitons tous et pourtant, la plupart d’entre nous en sommes incapables. Pourquoi ?

Un dessin de Blaise Pascal

Blaise Pascal, cet homme particulièrement multiple et contrasté, écrivait ceci : La vraie morale se moque de la morale

Je dirais que ce mathématicien, ce physicien, ce philosophe, ce fidéiste, ce poète, est l’Homme par excellence, l’Homme par définition. Si nous rendons hommage à son érudition, à sa douance, on le condamne aussi pour son comportement frivole et désinvolte. Et pourtant, n’est-ce pas là l’Homme dans toute sa grandeur ?

J’ai toujours éprouvé plus d’estime pour les gens capables d’honnêteté envers eux-mêmes, assumant leurs vices et leurs défauts et se moquant de la morale édictée par notre société très dénaturante, que pour les conformistes. Il est tellement simpliste de se justifier au regard de la morale que cela en devient immoral. Blaise Pascal m’inspire. Son héritage trouve écho au plus profond de mon être. Pour autant… qu’on ne porte pas atteinte à autrui.

Ne vous êtes-vous jamais demandé pourquoi certains sont fiers de respecter les règles quand d’autres se glorifient de les enfreindre ? Parce que l’Humanité est ainsi faite, certes, mais il est intéressant de creuser le sujet davantage.

Je ne parle pas d’enfreindre les règles par défi, comme les ados avides de prouver qu’ils sont cap. Non. Je parle de les transgresser, car nous sommes convaincus qu’elles sont inadaptées, de toute bonne foi. L’Humanité perd toute lucidité, va à l’encontre de sa nature.

L’Amour n’existe plus

Le meilleur des exemples est l’Amour et la façon dont nous le gérons. Comme s’il fallait en faire quelque chose, le codifier, le règlementer. Comme si l’Amour ne se suffisait pas à lui-même. D’ailleurs, considérons-nous encore ce sentiment puissant ? En tenons-nous compte ? Sommes-nous à son écoute ? Non.

On entend souvent dire, comme à regret, l’amour n’existe plus. Logique, l’Homme l’a détruit.
Pourtant, il nous anime toujours telle une chimère. Il nous fait rêver. Il inspire quantité de films et de séries à succès. L’amour n’existe plus qu’au cinéma. Nous ne pouvons nier que l’Amour est dans notre nature, mais nous avons décidé que vivre cet Amour-là, ça ne se fait pas. 

Pour le rendre acceptable, nous le cadrons, nous le muselons, nous l’étouffons et nous en souffrons. Nous sommes nos propres bourreaux. C’est à coup de morale que nous le cadenassons, à force de réflexions, d’intellectualisation, avec tout ce blabla que nous qualifions d’éthique. Mais l’amour ne se cadre pas, ne répond à aucune règle ! L’Amour n’est pas conformiste, l’Amour à ses raisons que la raison ignore, comme l’écrivait très justement mon ami Blaise.

Nous nous justifions en revendiquant la raison alors que seul l’Amour est raisonnable. Il apaise, détend, nous invite à sécréter les hormones du bonheur, bref il nous fait du bien. Et si certains osent contrer l’idée avec des arguments tels que l’Amour est aussi cruel et génère la souffrance, l’inquiétude, l’attente angoissante ; c’est uniquement parce que la raison, celle dictée par la morale, les a rattrapés.

Un couple regarde au loin, il y a de la mélancholie dans l'air

Des valeurs absurdes

Cette impression m’a cueillie à l’aube de l’adolescence et me poursuit depuis. À mes 20 ans, j’écrivais : pourquoi la société établit-elle des règles qui ne nous conviennent pas ? J’aurais dû écrire qui ne ME conviennent pas, mais à l’époque j’étais persuadée d’être dotée de la pensée universelle, comme la plupart d’entre nous : Ce qui est bon pour moi l’est aussi pour toi, c’est évident. 

Une femme se cache

Je me suis aperçue, bien plus tard, que les valeurs sont définies par des bienpensants, dont notre unique point commun est cette notion de pensée universelle. Les lois qu’ils avaient instaurées jadis, bonnes pour tous, ne me convenaient pas : Ce qui est bon pour moi ne l’est pas forcément pour toi. Bien établies depuis des centaines d’années, sans doute des milliers, elles sont devenues la norme validée par tous.

Nous nous sommes convaincus de ces vérités : il est bien vu, et c’est la règle de n’aimer qu’une seule personne, et ce pour toute la vie, voire au-delà. Ne pas s’y tenir fait de nous des dépravés, des instables, des anormaux, ceux qui n’ont aucune civilité et manquent cruellement de respect.

Mais de respect envers qui ? À l’égard de ce cocu des temps anciens, qui, pour que cela ne lui arrive plus, frustré, a instauré la loi de la monogamie exclusive ? Nos valeurs sont nées de la frustration des bienpensants. 

Comment en sommes-nous arrivés là, à subir une morale au service des laissés-pour-contre ? Les rageux ont raison de l’être, car c’est celui qui va voir ailleurs qui est en tort. Et si nous nous trompions ? Comment pouvons-nous envisager de mettre ce péché capital, la jalousie, sur un tel piédestal ? Nous contraindre à l’Amour unique et exclusif, pour toujours, est le contre-sens le plus grotesque que l’Humanité ait engendré.

L’Homme est un être d’amour, il en déborde. Il le multiple sans effort et pourtant il se convainc que c’est mal. Il n’a de cesse de vouloir l’étouffer. Comme si l’Amour était l’ennemi à abattre de toute évidence. Fondamentalement, l’Amour est beau et bien et l’Homme le transforme en mal des plus honteux.

La privation d’Amour mène à l’échec

Voici la preuve que notre morale est immorale : l’amour unique, dédié, exclusif, est un échec. Plus d’un couple sur deux divorce. Et je ne compte même pas ceux qui durent par convenance. Nous connaissons tous dans notre entourage ces époux et ces épouses qui passent à côté de leur vie, qui la subissent car ils restent ensemble par dépit.  Il est grand temps de se remettre en question. 

Une femme marche sur un rocher en altitude

Sommes-nous réellement sur Terre pour cela ? Pour passer à côté de notre vie ? Devons-nous absolument cadrer notre existence sur ces exemples, certes magnifiques, mais rarissimes, de ces hommes et de ces femmes qui s’aiment d’un amour vrai, authentique, jusqu’à la mort ? L’amour parfait, dessiné par l’homme pour l’homme, nous le convoitons tous et pourtant, la plupart d’entre nous en sommes incapables. Pourquoi ?

Parce que nous vibrons, nous ondulons. L’Homme ne sera jamais unique, linéaire, constant. Trop d’évènements, de paramètres l’influencent. C’est justement parce qu’Il est multiple, fluctuant, qu’il est Homme, qu’il est riche et puissant. Mais bizarrement, Il éprouve des difficultés à accepter sa géométrie variable et il édite des règles pour s’auto simplifier et se gérer. Ainsi, pense-t-il mieux se comprendre alors que ce n’est qu’une parade, puisqu’il joue la comédie. 

L’Amour c’est un peu comme la météo

L’amour, c’est comme le temps qu’il fait. S’il y a bien une chose sur terre que nous ne maitrisons pas, c’est la météo. Nous nous en accommodons, nous la subissons, nous nous en réjouissons, mais nous ne pouvons pas arrêter la pluie ou la tempête. Nous ne commandons pas le soleil. Constater et accepter sont les seules actions appropriées. S’entêter sur le mauvais temps est absurde, même s’il est dévastateur. Exiger de l’Autre qu’il nous aime encore est d’un pareil acabit.

Dès lors, nous ne pouvons pas condamner l’Autre parce qu’il ne nous aime plus. Ce changement d’attitude n’est pas une question de volonté ou de choix. Le désamour est un constat, un fait. La vibration s’est tue et personne n’en est réellement responsable.

Un bateau en amont d'un orage

Nous nous retrouvons dans un dilemme horrible, inhumain. Comment ne pas causer du mal à l’Autre alors qu’on ne l’aime plus ? Il attend que nous nous montrions sincères : ne pas mentir, ne pas tromper ; puisque nous nous sommes engagés à respecter les règles. A l’heure où nous nous interrogeons si l’acte de draguer est un crime, l’Amour nous invite à jouer le jeu ou à partir, mais la vie n’est pas binaire à ce point, et faire semblant est le premier mensonge. 

Nous devons apprendre à aimer l’Autre pour l’Autre et pas pour l’Amour qu’il nous donne. Ce n’est pas parce qu’il nous le prodigue un temps que nous y aurons droit tout le temps. L’Amour n’est ni un droit ni un devoir. Il ne se compte pas, ne se programme pas, ne s’établit pas, ne s’invente pas. L’Amour est, ou n’est pas, parfois moins fort, parfois plus discret, mais il est. Il ne se discute pas et ne s’explique pas. Lorsque nos longueurs d’onde ne s’unissent plus et qu’il y a dissonance, il est temps d’accepter que l’Amour n’est plus. Il ne sert à rien de s’acharner. En nous y attachant coute que coute, nous nous infligeons la pire des punitions.

L’Amour est une force, Il nous guide vers notre Nous originel. Il suffit de se laisser porter pour nous accomplir, enfin. Et si vivre l’Amour, sans règles ni morale, était la clé de la vie ?

Image de Malédicte

Malédicte

Quand on croit en l’amour, plus fort que tout, comme le seul principe vrai, authentique pour réunir les hommes ; quand on est architecte, qu’on dompte avec les arts le gout du beau et les techniques, le sens de la précision et de la perfection ; quand la société vous bascule du bien au mal, du bonheur aux coups bas et ne vous fait aucune fleur ; quand on vit d’écriture comme un seul moyen de poser ses émotions et de laisser vibrer leur sensibilité, leur fragilité ; on déboule un jour ou l’autre, le cœur chargé de mots, de phrases, d’histoires à partager dans une maison d’édition.
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